Lors de la dernière Japan Expo à Paris, nous avons eu le plaisir de rencontrer Mig, l’auteur d’Ogrest (paru début juillet aux éditions Ankama).
Zero Yen (ZY) : Cher Mig, peux-tu te présenter à nos lecteurs ?
Mig : Je suis Mig, auteur de bandes dessinées (B.D.). J’en ai déjà plusieurs à mon actif : j’ai commencé avec Sam Lawry (2 tomes) et Le Messager (6 tomes) dans la collection Grand Angle des éditions Bamboo avec Hervé Richez au scénario.
Après ça, j’ai fait des B.D. en collectif : Raoul en imaches (illustrations de chansons du Nord de la France de Raoul de Godewarsvelde) en 2006, Jukebox en 2007. J’ai intégré la section animation d’Ankama en 2008 en tant que character designer sur Wakfu au début de la première saison. Après quelques épisodes, je me suis ensuite occupé des décors crayonnés : quand on sait faire ce genre de choses, on est tout de suite pris d’assaut parce que les gens préfèrent s’occuper des personnages en général ! *rires*
Après quelques temps, je suis devenu responsable d’une équipe d’environ 7 personnes sur toute la saison 1. Ensuite, j’ai été transféré à Ankama Éditions pour y développer Shak Shaka en 2010 (qui est sorti il y a un ou 2 ans). J’ai enchaîné sur le Dofus Monster numéro 7 Zatoïshwan qui a été ma première participation en tant que dessinateur et scénariste sur une bande dessinée de type manga, en noir et blanc.
Retour à l’animation en 2013 pendant quelques mois sur la série Dofus aux trésors de Kérubim, diffusée sur France 3 avant de revenir à l’édition pour créer de nouveaux projets (dessins et/ou scénarios). J’ai notamment été l’auteur de plusieurs petites B.D. dans les magazines comme Science et Vie Junior, Winnie Lecture, etc. Les prémices d’Ogrest ont commencé à être imaginées à cette période.
ZY : C’est un sacré C.V. dis donc !
Mig : Oui, et encore, j’ai fait un résumé là ! *rires*
ZY : Depuis que tu as obtenu ton diplôme, tu bosses pour Et Cetera et t’occupes donc des produits dérivés d’Astérix ! Alors, dis-nous, ça fait quoi de se frotter à un monument de la B.D. franco-belge ?
Mig : J’étais très fier ! Je considère Uderzo comme un dessinateur monumental. Tout est dans l’énergie et la construction de son dessin, qui s’avère vif et nerveux à la fois. Pourtant, il n’a pas déclenché une « école » comme a pu le faire Hergé avec Tintin. C’est d’ailleurs grâce aux dessins d’Uderzo que j’ai appris à encrer au pinceau et à l’encre de chine. Il m’a beaucoup apporté à ce niveau et m’a permis de créer mon propre style, qui est le résultat de multiples influences (je lis un peu de tout, du manga aux comics en passant par la B.D. franco-belge). J’aime aussi expérimenter de nouvelles façons de raconter mes histoires.
ZY : Tu as également bossé pour Disney. Peux-tu nous raconter ton expérience ? Avais-tu assez de liberté pour réaliser tes œuvres ?
Mig : Dans l’atelier Philippe Harchy, le travail était divisé par secteurs : une équipe pour les crayonnés rapides, une pour les crayonnés au propre, une dédiée à l’encrage et une dernière pour la mise en couleurs. Elles travaillaient sur des livres d’animation qui étaient réalisés en amont de la sortie des dessins animés. C’était intéressant de découvrir les chartes graphiques des projets avant leur sortie sur les écrans.
J’étais plus sur la partie encrage, l’ayant pratiquée auparavant avec Uderzo mais j’avais aussi envie de me diversifier. C’est de cette façon que Disney m’a proposé de bosser sur la B.D. de Winnie l’Ourson (crayonnage et encrage). J’ai évidemment sauté sur l’occasion ! J’aimais bien le personnage et l’univers et, au final, j’ai eu beaucoup plus de liberté que sur Astérix car son monde était déjà très codifié. Avec Winnie, c’est un univers plus féerique et imaginaire. Après avoir suivi une formation dispensée par un animateur (qui prenait en référence les films d’Hitchcock) et accompagné de dessinateurs du monde entier, j’ai créé plus de 200 pages au total. Pour résumer, j’ai particulièrement apprécié mon travail là-bas.
ZY : Comment s’est passée ta rencontre avec Ankama ?
Mig : J’avais rencontré Tot par le biais d’un ami commun lors d’une soirée d’anniversaire. Il était en plein développement du jeu à ce moment-là. Il a ensuite monté sa propre société à Tourcoing et il m’a contacté lorsque le projet d’animation a nécessité une équipe plus importante.
ZY : Quelques mots sur la genèse d’Ogrest ?
Mig : Ogrest est vraiment au centre de Dofus et Wakfu. L’univers de Dofus a basculé dans le chaos suite à Ogrest, qui est un ogre enfant dont le monde gravite autour de lui. Mais son problème est qu’il a une force énorme couplée à des larmes magiques qui deviennent des torrents d’eau. Et comme c’est un gamin, il est très capricieux et ses pleurs peuvent rapidement engendrer des catastrophes. Il est confié à Otomaï, un ermite qui n’est pas préparé à s’occuper de lui. J’ai trouvé la relation entre ses deux personnages intéressante.
Il y a aussi un décalage avec tous les univers de Dofus et Wakfu : même si c’est une parodie à la base, il y a un vrai monde qui se crée et évolue et qui permet au final d’apporter quelque chose de nouveau.
ZY : Ne crains-tu pas que les gens hermétiques à l’univers d’Ankama peinent à rentrer dans le récit ?
Mig : Si vous regardez bien la couverture d’Ogrest, j’ai fait en sorte de briser la charte graphique de Dofus et Wakfu. On avait aussi fait une prépublication de quelques pages pour permettre aux gens de découvrir la B.D. Elle se terminait sur un cliffhanger qui donnait envie de connaître la suite et ça a plutôt bien marché.
J’ajouterai que j’ai développé Ogrest dans un esprit d’ouverture. En effet, quelqu’un qui n’est pas familier avec cet univers peut le lire sans problème, sans aucune crainte de manquer telle ou telle référence. Je m’en suis tenu à des clins d’œils dans les décors, qui parleront aux initiés mais ne gêneront pas la lecture pour les autres.
ZY : D’ailleurs, c’est quoi un Dofus ?
Mig : C’est un œuf de dragon. Dans Dofus, il existe 6 œufs de dragon qui maintiennent l’équilibre du monde.
ZY : Quels sont les thèmes majeurs d’Ogrest ?
Mig : Dans le premier tome, la thématique principale est la parentalité. Dans les suivants, j’aborderai l’enfance et le fait que chacun dans la vie à un départ et un parcours différents (Ogrest par exemple est né d’une expérience chimique dans un creuset alchimique). C’est l’histoire de ces destins croisés dont j’avais envie de parler dans cette œuvre.
Je souhaitais aussi aborder le sujet du « qui est-on et d’où peut-on venir » lorsqu’on a été abandonné. Même si l’action se passe dans un univers féerique et fantastique, cela reste un thème universel et plus adulte qui n’apparaissait pas dans mes précédents travaux chez Ankama.
ZY : Pourquoi avoir choisi le noir et blanc ?
Mig : J’aime bien le noir et blanc dans mes lectures. Cela permet aussi d’être plus narratif, d’avoir en même temps des choses très marquées mais assez simples au fond. Le format manga possède également un côté pratique car on peut le prêter facilement à ses amis du fait de sa petite taille.
ZY : Ça te donne aussi plus de boulot car tu dois dessiner environ 200 planches au lieu de 46 (note de Ghis : format habituel de la B.D. franco-belge) ! *rires*
Mig : C’est plus de travail en effet mais le découpage est différent. En B.D., vu le nombre inférieur de pages, on s’efforce de terminer chaque planche par une action qui doit donner envie au lecteur de tourner la page. C’est pas toujours facile ! Dans un format manga, on peut jouer avec des temps rapides, des silences. On peut ainsi insuffler un rythme, une vie qui est singulière. Les styles se valent et j’aime bien travailler dans les deux formats pour différentes raisons.
ZY : Quelles sont tes influences ?
Mig : Comme indiqué précédemment, je lis indifféremment des comics, de la B.D. franco-belge et des mangas. À part les dessins animés japonais que je regardais quand j’étais petit, je reste classique avec Katsuhiro Otomo (l’auteur d’Akira) qui m’a vraiment donné l’envie de persévérer dans ce métier. On trouve d’ailleurs dans Akira des prémices d’Ogrest avec des enfants un peu perdus, précipités dans un monde d’adultes et qui se retrouvent obligés de s’élever eux-mêmes. Je me souviens notamment de la scène dans laquelle Tetsuo est abandonné par ses parents qui, bien que courte, était très dure. C’est ça la force du dessin d’Otomo pour moi.
ZY : Sur combien de volumes s’étalera la série ?
Mig : L’histoire d’Ogrest se déroulera sur 5 tomes.
ZY : C’est l’heure de l’auto-promo ! Vends-nous du rêve !
Mig : *rires* Ma priorité, c’est Ogrest ! J’ai vraiment envie de faire découvrir une tranche de vie avec ses personnages, de passer du temps avec eux et de les voir évoluer au cours des 5 volumes. Mais aussi de faire ressentir aux lecteurs les émotions que j’ai souhaité retranscrire.
ZY : Donc si tu deviens une superstar, tu t’en tiendras seulement à 5 tomes ?
Mig : Si je deviens très célèbre, je ferai des spin-offs de la série : Ogrest à la plage, Ogrest fait du ski, voire même Ogrest à Miami ! *rires*
Nazir (Ankama) : Plus sérieusement, c’est un vrai plaisir de voir Mig travailler et c’est l’un des rares dessinateurs que j’ai rencontrés qui m’a fait cet effet. Lorsque l’on voit le résultat, on se rend compte qu’on possède de supers dessinateurs dans notre pays et que, oui, il est tout à fait possible de faire du manga made in France de qualité. Mig a une mise en scène tout à fait différente des auteurs japonais qui fait qu’on rentre d’une autre manière dans son manga. Bref, achetez-le ! *rires*
Commander Ogrest Tome 1 chez notre partenaire Amazon.fr
——————–
Un très grand merci à Mig et Nazir pour leur sympathie et leur disponibilité.
Interview réalisée par Ghis