Jadis, les jeunes garçons en culottes courtes admiraient plus les flics que les voyous. Parce qu’ils faisaient régner l’ordre et la justice ? Parce qu’ils sauvaient la veuve et l’orphelin ? Et puis quoi encore ? C’était juste pour les belles voitures ! Starsky et Hutch avaient leur Gran Torino; Sonny Crockett et Ricardo Tubbs leur Ferrari Testa rossa; Tony Gibson et Raymond Broady, les héros de Chase HQ, avaient eux leur Porsche 928…
Maniac Cops
Jeu d’arcade de Taito, Chase H.Q. a connu un succès phénoménal lors de sa sortie en 1988. A première vue, on pourrait n’y voir qu’un énième clone du mythique Out Run de Sega. Grossière erreur car dans Chase H.Q. le but n’est pas de passer une ligne d’arrivée mais d’arrêter des criminels au volant de bolides de luxe pétaradants. Mais le crime ne paie pas si bien, et nos deux flics de chic et de choc possèdent un pare-choc à toute épreuve.
Le principe est fort simple : quand la belle standardiste Nancy nous avertit qu’un criminel est dans le coin, il est alors temps de faire chauffer les pneus et de s’élancer à sa poursuite. La première phase est classique puisqu’elle demande de foncer le plus vite possible afin de combler la distance qui nous sépare du fameux criminel. Il faudra tout de même être prudent et éviter les voitures des pauvres civils qui ne s’attendaient sûrement pas à voir le fleuron de la police les doubler à plus de 250 km/h. Bien sûr, s’il est triste de voir exploser ces malheureux citoyens qui étaient peut-être partis pique-niquer ou qui étaient allés voir leur vieille tante malade, le plus grave dans cette histoire c’est un précieux temps perdu sur le chrono ! Car évidement, le criminel n’est pas là en touriste et s’enfuit à tout berzingue vers la frontière de l’état, pour se retrouver hors de notre juridiction.
Si notre Porsche n’a que deux vitesses, elle peut également déclencher trois turbos qui seront bien utiles pour rattraper le temps perdu à cause de ces maudites limaces de la route. Mieux vaut les utiliser au bon moment car cela pourrait très bien avoir l’effet inverse et nous envoyer dans le décor…
Une fois le criminel à portée de vue, il est temps de faire crier la sirène (pourquoi ne pas l’avoir mise depuis le début, je n’en sais rien) et de l’arrêter coûte que coûte. On entre alors dans la seconde phase, celle du « je vais te défoncer ta caisse de bourgeois, fumier ! » qui fait toute l’originalité et le charme de ce Chase HQ. Une barre d’énergie apparaît sur le côté gauche de l’écran et il faudra foncer sur la voiture du méchant pour la faire descendre. Le véhicule adverse est naturellement bien plus costaud que celui des civils et il se dégradera lentement jusqu’à prendre feu. Il n’aura alors plus d’autre choix que de s’avouer vaincu et de se rendre aux autorités. Et voilà comment une journée ordinaire au bureau se termine dans la joie et l’allégresse. Et vous savez quoi ? La Porsche n’a même pas une égratignure ! Ils sont forts ces allemands.
Deux flics amis amis
Le titre de Taito comporte cinq niveaux. Les criminels possèdent des véhicules de plus en plus rapides et les parcours sont de plus en plus chaotiques. La difficulté étant bien équilibrée, il ne sera pas impossible d’atteindre la fin du jeu, même s’il faudra remettre régulièrement quelques piécettes dans le monnayeur. En arcade c’est toujours donnant-donnant mais dans Chase HQ on ne se sent nullement floué et frustré. Quoi qu’il arrive, on en a pour son crédit, ce qui n’est pas si courant dans le monde impitoyable de l’arcade.
La simplicité du concept fait qu’on s’amuse toujours autant aujourd’hui avec ce jeu. Et s’il a bien vieilli c’est aussi grâce à sa technique au top. Graphiquement, mine de rien, c’est vraiment pas dégueu si vous me pardonnez cette expression. Les décors sont beaux, colorés et presque aussi variés que ceux d’Outrun. On passe sous des tunnels, sur des routes endommagées et on a même parfois la possibilité de choisir des embranchements. Quant à la modélisation des voitures, c’est du bon boulot et on n’a aucun mal à reconnaître les marques dont se sont inspirés les programmeurs de chez Taito. Mais le plus impressionnant reste sans aucun doute l’extrême fluidité et rapidité du jeu qui feraient passer les titres actuels pour des jeux en 10 images par seconde.
Ce n’est pas tout : si les musiques se contentent de faire leur boulot sans forcer tel un agent de la paix (avant tout), les divers bruitages qui accompagnent le jeu s’avèrent bien plus impressionnants. C’est rare pour être souligné mais le moteur est agréable à entendre. Et que dire des dérapages, des turbos ou même du simple changement de vitesse ? Sans parler de la fameuse sirène qui participe grandement à l’excitation du joueur lorsqu’il aborde son criminel. Cerise sur le gâteau : la voix digitalisée de Nancy, la standardiste sur la fréquence de radio, ainsi que celle de votre coéquipier qui vous incite à accélérer. Tout ceci participe énormément à la réussite intemporelle de Chase HQ à n’en point douter.
Le bon et le mauvais « Chasseur »
A l’image de nos criminels en fuite, impossible de se cantonner aux frontières de l’arcade quand on a fait autant sensation. Chase H.Q. fut donc adapté sur à peu près toutes les plateformes existantes de l’époque.
Taito se chargea des diverses versions consoles. Malgré cela, leur qualité fut rarement convaincante. Sur 8 bits, bien que la version Master System enterre l’exécrable version Nes, les sensations de l’arcade sont vraiment loin et le jeu a bien trop perdu graphiquement de sa superbe. Notons au passage que ces versions comportent quelques options supplémentaires. On peut notamment améliorer son véhicule entre chaque poursuite.
Les portables des deux constructeurs auront également droit à leur version. Si le jeu sur Game Gear s’avère très proche de la version Master System, la version Game Boy se démarque de son homologue sur Nes. Bien que plus belle, elle se traîne trop pour être vraiment agréable. A quoi bon avoir une Porsche si elle roule aussi vite qu’un Solex à cours d’essence ?
La conversion console la plus connue est sans conteste la version Nec PC Engine. Malheureusement, si on excepte de bons graphismes, cette version est handicapée par une difficulté mal dosée qui la rend vraiment frustrante. Le jeu est un calvaire et un terrible gâchis comme la machine de Nec nous avait rarement habitués.
Sur les 16 bits reines que sont la Megadrive et la Super Nintendo, le jeu n’a pas vraiment été adapté. Ainsi sur Megadrive on a droit à un Chase H.Q. II (qui n’a rien à voir avec le vrai sorti en arcade), une véritable insulte à la console et au jeu d’origine. Si le joueur a la possibilité de choisir cette fois son véhicule, la Porsche n’est même pas présente et l’on a le choix entre une Ferrari F40, un 4X4 et une fourgonnette… Laid et doté de bruitages à rendre suicidaire un bonze du 3ème âge, que nos honorables lecteurs se soient pas trop choqués lorsque j’affirme haut et fort que plus qu’un Chase HQ, c’est surtout une chiasse au cul. Allez zou, direct aux toilettes et on tire bien la chase… euh, la chasse.
La Super Nintendo voit les choses en grand et accueille un Super Chase H.Q. en 1993. Le joueur conduit en vue subjective et les sensations sont excellentes. Si l’on déplore de ne pouvoir changer la caméra, ce jeu s’avère plutôt réussi et fun. En réalité, le jeu est plus proche du troisième opus sorti en arcade en 1992 mais nous y reviendrons plus tard. S’il ne mérite peut-être pas son nouveau préfixe, Super Chase H.Q. est une vraie bonne surprise dans cet océan de médiocrité.
Et puisqu’on parle d’océan, ce cultissime éditeur qu’était Ocean se chargea des adaptations sur micro-ordinateurs avec des fortunes diverses. Bien que les versions Amiga et Atari ST soient honorables, elles sont loin de tirer parti de la puissance de ces machines. D’une part les sprites sont bien plus petits mais surtout, le scrolling se traîne lamentablement, faisant perdre au titre, une bonne part de son intérêt majeur. La version Amiga a, cela dit, le mérite de proposer des bruitages très proches de ceux de l’arcade, au contraire de la version Atari au chipset sonore très limité. Ces conversions demeurent acceptables malgré tout. Ce qui fut loin d’être le cas de la version Commodore 64, de loin la pire de toute, où les voitures se traînent comme des tortues unijambistes !
Les véritables surprises sur micro furent sans conteste les versions Amstrad CPC et ZX Spectrum. Malgré sa palette monochrome, cette dernière version possède une finesse graphique surprenante et un scrolling étonnamment fluide. Il s’agit tout simplement pour beaucoup du meilleur jeu de la machine. Et si la version Amstrad CPC y perd légèrement en finesse et en fluidité, elle y gagne naturellement en couleurs. Seuls les bruitages, qui n’ont jamais été le point fort de ces deux machines, viennent noircir le tableau. La version CPC se permettait même le luxe de proposer des sous-titres en français. Mais la traduction était quelque peu étrange comme le superbe « Appuis sur le champion », le traducteur ayant sans doute gardé le « champignon » hallucinogène pour lui.
Finalement, il faudra attendre les conversions tardives sur Sega Saturn mais aussi sur FM-Town et encore plus tardivement sur PS2 pour obtenir des conversions quasi parfaites. Etrangement, à l’exception du premier appel radio, les voix digitalisées ont disparu de la version Saturn. On pourra se consoler en jouant à sa suite officielle S.C.I. qui est couplée sur le CD.
Ces dernières conversions ont bien peu de mérite au vu des capacités des machines mais qu’importe le calice pourvu qu’on ait l’ivresse. Malheureusement lors de leur sortie, Chase H.Q. était déjà bien has been pour la plupart des joueurs. Ces versions confidentielles ne passèrent jamais la frontière de l’archipel japonais et furent donc réservées à un public très restreint et nostalgique.
Qui va à la « Chase »…
Comme tout grand succès qui se respecte, le jeu eut droit à quelques suites dont la plus connue demeure l’épisode suivant. Sorti en 1988 sous le sobriquet de S.C.I. (pour Special Criminal Investigation), le concept reste identique à ceci près : si dans le premier opus, le second flic faisait son fonctionnaire de base en regardant son pote faire tout le travail, cette fois il a un véritable rôle, celui de tirer sur les véhicules ennemis. Pas révolutionnaire mais plutôt bien vu. Curieusement, le jeu est moins beau que le précédent ou plutôt plus cartonnesque. Et la nouvelle voiture choisie, attention inspirez, une Nissan 300ZX Z32 T-Top Turbo, respirez, avec son rouge flamboyant n’a pas la classe de la Porsche du précédent volet. Le jeu connu moins de conversions et la plupart furent sur micro, toujours par Ocean. Cette suite connut un succès honorable mais bien en deçà de l’épisode précédent.
Nos deux flics Tony Gibson et Raymond Broady firent un autre come-back la même année dans un spin-off moins connu nommé Crime City. Cette fois, il ne s’agit pas du tout d’un jeu de course mais d’un run-and-gun dans la droite lignée de Shinobi, E-Swat ou Rolling Thunder. Bien que très sympathique, le titre n’est ni très beau ni très original, ce qui explique sans doute son relatif anonymat. Le petit détail qui tue ? Rentrer son nom dans les scores en tirant des rafales de mitraillette. De quoi nous consoler d’un game over trop rapide.
Il faudra attendre 1993 pour que Nancy envoie de nouveau un message radio à nos deux incorruptibles. Sorti sous le nom à rallonge Super Chase Criminal Termination, cet épisode peu connu se démarque des deux précédents en se jouant en vue cockpit. La Porsche fait son grand retour mais elle est rouge, comme la Nissan, et les dégâts visuels sur le véhicules font leur apparition puisqu’on peut exploser son pare-brise avec fracas ou cabosser son coffre jusqu’à le voir s’envoler. Très rapide, très fluide, le jeu est excellent mais ne connaît pas le succès. Aucune conversion n’en sera tirée même si le jeu Super Chase H.Q. sur Super Nintendo s’en est énormément inspiré, ne serait-ce que pour la vue à la 1ère personne.
Afin de boucler la boucle, une ultime itération sera réalisée en arcade en 2006. Sans doute pour capitaliser sur un nom plus connu des gamers, Taito appela ce quatrième épisode… Chase H.Q. 2. Cette suite sera la plus confidentielle de toutes. Si l’on peut admirer une Nancy apparaissant en chair et en os, le moteur du jeu est vieillot et on se retrouve graphiquement au niveau de Daytona USA, de douze ans son aîné ! Pour couronner le tout, les collisions sont peu réalistes et les impacts bien tiep. On repense au jeu sur Megadrive et on se dit que le nom « Chase H.Q. 2 » ne pouvait pas rimer avec réussite.
Et maintenant, faites chauffer le moteur et crisser les pneus. Si le crime ne paie pas, il n’attend pas non plus. Let’s go Mr Driver !