Avec Histoires courtes de Naoki Urasawa, les Editions Kana nous proposent un bond dans le passé pour vivre les débuts, dans les années 80, d’un des plus illustres mangakas de ces deux dernières décennies.
À partir des années 90, Urasawa nous a offert des séries exceptionnelles telles Monster, 20th Century boys, Happy et Pluto . Maître incontesté du seinen, Urasawa nous invite dans un univers qui mêle le réalisme saisissant de Hiroshi Hirata, référence du manga historique, avec le caractère très mature des œuvres de Osamu Tezuka. Cependant, Urasawa, qui n’a ni la simplicité de Tezuka, ni la gravité d’Hirata, développe un monde où l’esprit est la seule véritable frontière. Ce volume d’histoires courtes nous fait découvrir un aspect méconnu de l’auteur : la fantaisie. Si l‘humour et la légèreté sont très présents chez Tezuka tout au long de son œuvre, ce n’est pas vraiment le trait marquant de Naoki Urasawa dont l’univers artistique est plus palpitant, parfois angoissant, presque toujours addictif, avec un dessin bien plus réaliste.
Dans 20th Century Boys, Urasawa se moque de l’espace et du temps pour nous faire naviguer, avec une aisance déconcertante entre 1969 et 2017. Comment un cahier de prédictions écrit par des enfants en 1969 peut-il devenir le scénario réel d‘une hypothétique fin du monde qu’ils avaient programmée pour l’an 2000 ? Qui est Ami, le gourou de cette secte apocalyptique qui s’inspire de ce cahier ? Cette uchronie en 22 volumes, au rythme haletant, au dessin très soigné, est une lecture obligatoire pour tous ceux qui s’intéressent aux thèmes de la propagande et de la manipulation.
Dans Pluto, Urasawa reprend une très célèbre histoire de Tezuka, en s’en détachant sans jamais la trahir, pour en faire un thriller futuriste angoissant où hommes et robots cohabitent. Un détective robot nommé Gesicht mène une enquête courageuse sur une série de meurtres touchant les robots les plus performants et d’éminents personnages humains. Les fans de 20th Century boys aimeront également Pluto pour l’ambiance futuriste et la tension constante tout au long du récit.
Monster et Happy sont deux séries avec un protagoniste principal engagé dans un défi surhumain : un brillant chirurgien qui doit retrouver un meurtrier dont il a sauvé la vie et une talentueuse joueuse de tennis qui devient professionnelle pour rembourser une dette de 250 millions de Yen que son frère ainé avait contracté auprès d’une organisation mafieuse. Urasawa nous emmène passionnément dans la psyche de ces deux personnages dont on rechigne à se séparer une fois la lecture terminée !!!
Dans ce volume d’Histoires courtes, on ne peut que s’amuser des péripéties du policier rocker, dragueur, gaffeur Yamashita dont on suivra sept aventures vraiment drôles. Dans ce personnage, on retrouve d’ailleurs une ébauche du héros Kenji Endō de 20th Century boys. L’histoire intitulée « NASA » nous montre comment une passion peut bouleverser nos vies et mobiliser toutes les bonnes volontés : « où il y a la volonté, il y a un chemin » dit un proverbe américain. « Au revoir M. Bunny » nous montre la rédemption d’un gangster, grâce à la naïveté d’une petite fille alors que « Shinjuku lullaby » traite avec finesse mais réalisme de la prostitution. On se divertira avec « Mighty Boy » qui nous montre que suivre ses rêves comporte souvent quelques aléas imprévus. Toutes les histoires de ce livre sont agréables et on peine à repérer qu’elles ne sont que les ébauches de l’œuvre d’un auteur vraiment à part.
Naoki Urasawa, comme Osamu Tezuka (médecin de formation), a trouvé dans le manga un moyen d’expression unique. On peut voir sa carrière de mangaka, non comme une fin mais comme un moyen de développer sa créativité et c’est ce qui explique sans doute l’immense qualité de ses œuvres.