Poignant et bien pensé, Say Hello To Black Jack est à ce jour l’un de mes plus grands coups de coeur seinen et publié chez Glénat. C’est l’occasion pour moi de vous dérouler le tapis rouge pour un titre qui vaut le détour.
Black Jack, vous avez dit Black Jack ?
Le titre en lui-même évoque immédiatement l’un des plus grands mangas d’Osamu Tezuka, Black Jack. C’était un personnage à l’apparence froide, effrayante et hautaine, qui n’acceptait de sauver des vies qu’en l’échange d’une somme d’argent colossale. Ce côté misanthrope cachait en réalité un homme profondément bon et juste en dépit de l’aspect vénal de ses interventions.
Say Hello To Black Jack reprend donc judicieusement le concept du personnage de Tezuka mais en l’appliquant différemment : le côté asocial du protagoniste est incarné par l’ensemble du personnel du système médical japonais tandis que sa bonté et son optimisme reviennent au héros, Eijiro Saito.
C’est un jeune interne plein d’enthousiasme, qui s’interroge encore sur son futur métier : « un médecin, qu’est-ce que c’est ? » Ses différents formateurs lui apporteront un semblant de réponse, de la chirurgie à la psychiatrie où s’achèvera l’oeuvre au bout de 13 tomes.
Convictions, éthique et réalité
On pourrait croire que ce manga est un seinen purement fictionnel comme tant d’autres mais il n’en est rien. Syuho Sato s’appuie sur des faits et des chiffres bien réels pour argumenter son propos, qui reflètent la triste réalité des hôpitaux japonais.
Eijiro Saito, jeune diplômé de l’université d’Eiroku, n’a eu droit jusqu’ici qu’à une formation très théorique concernant son futur emploi. La pratique, il devra l’apprendre au travers des différents départements médicaux dans lesquels on l’enverra pour se forger sa propre expérience sur le terrain. La désillusion sera au rendez-vous pour ce bleu plein d’idéaux : salaire misérable et conditions de vie précaires pour les internes, chirurgiens incompétents et plus préoccupés par leur carrière que par leurs patients, système pyramidal, etc…
Saito sera plus d’une fois démoralisé mais son envie de bousculer les règles établies prendra toujours le pas sur sa déception. Il s’insurgera contre cette institution et fera tout son possible pour en ébranler les bases, même si la tâche s’avèrera presque impossible : comment chambouler un ordre présent depuis des années ? Que vaut la parole d’un nouveau venu face aux hautes instances de ce régime ? Pas grand-chose, il est vrai. Mais il en faudra plus pour le désarçonner: le voilà bien décidé à prendre les armes, quitte à y laisser quelques plumes.
Une approche « documentaire »
Ce terme revient souvent lorsque l’on parle de Say Hello To Black Jack. Pourquoi ? Parce que les planches de ce seinen fourmillent d’informations très précises qui renforcent cet aspect didactique.
Cette démarche est à la fois le point fort et le point faible du titre. Comme tout documentaire, la série se veut très synthétique. Bien que charismatiques, les nombreux personnages secondaires que rencontrera Saito n’auront droit qu’à un bref moment de gloire, le temps de son apprentissage dans un service ne s’étalant que sur 3/4 tomes.
Le titre suit une mécanique bien rodée : Saito arrive dans un nouveau service et se retrouve confronté à une situation qui le révolte. Il fait sa « mini-révolution » et parvient à convaincre son tuteur (parfois partiellement). Et il vogue ensuite vers un nouveau département !
On a donc la sensation que les tuteurs d’Eijiro ne sont là que pour être ses opposants. Ils sont adaptés au système et essaient de le convaincre d’y adhérer aussi. Cependant, il ne l’entendra jamais de cette oreille et continuera sa lutte face à sa hiérarchie avec un succès relatif. Toutefois, dans la réalité, le manga a réellement secoué le Pays du Soleil Levant, entraînant certaines réformes de la médecine japonaise.
Le style graphique du mangaka, semi-réaliste (même si les expressions du visage sont exagérées lorsqu’un protagoniste s’énerve), est un véritable plaisir à l’œil qui ne cesse de s’améliorer au fur et à mesure des volumes. On aurait pu craindre que les décors restent inchangés (les hôpitaux laissant assez peu de possibilités à la diversité) mais il n’en est rien. Eijiro travaillant à chaque fois dans un service différent, l’environnement dans lequel il évolue est constamment renouvelé. Ce changement coupe à chaque fois les ponts avec ses précédents supérieurs et ajoute un gimmick dynamique en incorporant un nouveau « maître » au héros. Le découpage, quant à lui, reste assez simple, probablement pour conserver son style documentaire.
Eijiro Saito, un héros jubilatoire
Bien que les personnages secondaires soient assez peu développés, Saito l’est à contrario à l’extrême. Eijiro porte quasiment à lui tout seul l’ensemble du manga sur ses épaules. Sa rébellion face au système est très plaisante car il ne part de rien dans sa mini-révolution. C’est sa vision du médecin idéal et ses prises de décisions arbitraires qui lui confèrent autant de charisme. Ses coups de gueule et son éthique démesurée lui font dire tout haut ce que beaucoup pensent tout bas. Il est extrêmement amusant de le voir rétorquer à ses tuteurs des paroles criantes de vérité.
Même si ces moments sont plutôt rares, l’auteur s’attarde aussi sur sa vie sentimentale, qui s’avère être aussi tumultueuse que son travail. On regrettera malgré tout que sa relation soit assez banale au final mais, après tout, nous ne sommes pas non plus dans un Shōjo !
Attention, chef-d’œuvre !
Si vous n’avez pas encore lu Say Hello To Black Jack, il serait grand temps de vous y mettre ! Bien que sa suite New Say Hello to Black Jack ne soit pas encore publiée dans nos vertes contrées, cette introduction s’avère être un véritable petit bijou qui vaut son pesant d’or !
Hélas, la série est malheureusement en arrêt de commercialisation en France. Il vous faudra donc faire preuve de patience avant de pouvoir vous procurer tous les tomes et se rabattre sur le marché de l’occasion.
Nous remercions Yomigues de nous avoir permis de poster son article sur notre site. Retrouvez l’original sur son blog Otakritik.
Un commentaire
C’est aussi l’un de mes Seinen favoris avec Blood Rain !