Joe Yabuki, 15 ans, est un enfant des rues. Un jour, alors qu’il traverse un quartier pauvre, il tombe sur un ivrogne, l’ancien boxeur Danpei Tange, qui devine en lui le potentiel d’un puncheur d’exception.
Joe, peu intéressé par cette idée, décidera toutefois de profiter de la naïveté du vieux Danpei pour être nourri et logé. Mais après une énième arnaque, il se retrouvera vite en maison de correction. Là-bas, il y rencontrera un boxeur professionnel du nom de Torû Rikiishi qui deviendra rapidement son rival et sa principale motivation pour devenir à son tour un véritable combattant pro…
Deux séries pour un manga
Ashita No Joe que l’on pourrait traduire en français par « Joe de demain » est à la base un manga de Tetsuya Chiba (dessin) et Asao Takamori (scénario) pré-publié dès le 1er Janvier 1968 dans le magazine hebdomadaire Weekly Shônen Magazine. Sa publication se terminera le 13 Mai 1973 après cinq années de grand succès. Ashita No Joe est encore aujourd’hui considéré comme une pierre angulaire du manga japonais et est sans aucun doute l’une des série les plus appréciée en terre nippone.
Profitant de ce succès phénoménal, une première série animée fut produite dès 1970, soit bien avant la fin de la publication du manga et se composera de 79 épisodes. Cette série ne couvrira pourtant pas la totalité du manga car ayant rattrapé la publication de celui-ci, elle s’interrompra à peu près aux deux tiers de l’histoire, soit juste après le combat contre Carlos Rivera.
Dix ans plus tard, une seconde série de 47 épisodes couvrant la fin du manga sera mise en chantier. Étant donné l’écart de diffusion entre les deux parties, les 12 premiers épisodes seront des résumés/remakes de la fin de la première série. Ainsi, la seconde série repartira du combat tragique entre Yabuki et son rival de toujours Rikiishi. Ce point de départ aurait d’ailleurs très bien pu servir de conclusion à la première série mais l’auteur eut la bonne idée et surtout l’inspiration d’aller bien au-delà de ce final dramatique.
La première chose à dire sur ces deux séries, c’est qu’elles sont extrêmement fidèles au manga d’origine. Si on peut noter quelques légères différences par-ci par-là, l’esprit est toujours le même. Comme bien souvent, l’animé se permet de rajouter quelques épisodes développant un peu plus certaines situations mais à aucun moment ils ne semblent de trop.
Puisqu’il s’agit d’une seule et même histoire, impossible de trouver une série meilleure que l’autre. La seule chose à noter, c’est l’écart technique qui les sépare. Et pourtant, la première n’a pas à rougir de la comparaison tant elle tient encore aujourd’hui la distance. La qualité de la réalisation est formidable et le design est même plus proche du manga que celui de la seconde. Toutes deux seront réalisées par l’excellent Osamu Dezaki (Cobra, Rémi sans famille, L’île au trésor, Lady Oscar…) dont le style inimitable, arrivé à maturité, est bien plus visible dans la seconde série.
Deux longs métrages animés sont également sortis en 1980 et 1981 mais il ne s’agira que de remontages des deux séries sur de nouvelles musiques. S’ils sont intéressants, mieux vaut directement voir les séries en entier. Un film live est sorti au Japon le 11 Février 2011. Au vu des premières images, il ne faut pas s’attendre à grand chose. Les Japonais ayant rarement réussi une adaptation de leur manga en film live, il s’agira avant tout d’une curiosité pour le fan mais rien de plus. Mais qui sait, une bonne surprise nous attend peut-être !
Mieux vaut tard que jamais
En France, Ashita No Joe connut malheureusement un destin chaotique. La première série, probablement jugée trop âgée et obsolète au moment où la France s’intéressa aux animés japonais, ne fut jamais diffusée. On aurait pu croire que la seconde série aurait connût plus de chance puisque la défunte 5 commença à la diffuser en Avril 1991 dans l’émission « Youpi, l’école est finie ». Malheureusement, seuls 4 épisodes passèrent à l’antenne alors que 26 des 47 épisodes furent pourtant doublés dans notre langue. Le CSA vit d’un mauvais oeil l’arrivée de la série et demanda rapidement son arrêt. Cette décision est pourtant fort logique tant Ashita No Joe ne s’adresse pas aux enfants. En effet, le monde de la boxe est loin d’être destiné à nos chères têtes blondes, surtout que la série le traite avec beaucoup de réalisme.
Assez violente (on ne compte plus les gerbes de sang), c’est surtout la violence psychologique qui pose problème. On y voit sans retenue les conséquences parfois tragiques des combats. La mort est souvent au rendez-vous mais le pire étant peut-être le destin de Carlos Rivera qui subira un fort traumatisme suite à son combat contre Joe. Sans parler d’autres thématiques très adultes et assez fortes comme la difficulté d’insertion, la pauvreté ou même l’alcoolisme. Bref, la série est très réaliste, trop pour qu’elle s’adresse aux enfants. Pour une fois, le CSA n’a pas agi avec zèle.
Malgré tout, la série sera diffusée des années plus tard sur la chaîne Mangas… Mais pas entièrement puisque les 20 derniers épisodes n’avaient toujours pas été doublés. Il fallut attendre 2005 pour que cela soit réalisé. En effet, l’excellent éditeur IDP décida de sortir la série dans 3 coffrets DVD. Il durent donc doubler les épisodes 27 à 47 et firent même l’effort de reprendre quelques voix du premier doublage pour plus de cohérence. Ainsi, Joe Yabuki est toujours doublé en français par Philippe Bellay, voix qui lui va très bien par ailleurs. D’autres comédiens étant indisponibles ou malheureusement décédés, il fallut bien les remplacer mais toujours en tentant de s’approcher de la voix d’origine. IDP alla même plus loin puisqu’il garda certaines fantaisies sur l’adaptation française du 1er doublage pour plus de cohérence.
Ainsi, dans notre VF, Danpi Tange n’est pas que l’entraîneur de Joe, c’est aussi… son oncle. Ce lien de parenté fut donc préservé mais il est juste dommage que Joe l’appelle « tonton » dans l’ancien doublage puis « mon oncle » dans le second. Bref, comment faire deux infidélités pour le prix d’une ! Heureusement, ce n’est pas bien gênant. On se demande toutefois pourquoi IDP, qui voulait être plus proche de la version originale, fait parler le boxeur Mexicain José Mendoza avec un accent anglais plutôt qu’espagnol… ! De manière générale, il faut reconnaître que le doublage français est loin d’être mémorable, que ce soit dans le casting ou surtout dans l’adaptation vraiment trop libre par moment (dans sa première partie du moins). Mais rien qui ne puisse vraiment gâcher la vision de l’animé dans notre belle langue de Molière.
Complétés par quelques bonus intéressants, les coffrets d’IDP sont de grande qualité et l’image et le son sont parfaits, ce qui est bien l’essentiel. Dotés d’un packaging classieux (blanc, noir puis argenté), de mini livrets ainsi que de très beaux artbooks, l’éditeur n’a pas lésiné sur les moyens pour plaire à l’acheteur potentiel. Le succès ne fut malheureusement pas au rendez-vous. Pas assez en tout cas pour envisager de doubler la première série, bien plus longue, bien plus vieille et donc beaucoup moins viable commercialement parlant.
En Janvier 2010, Glénat prit l’excellente initiative de publier enfin le manga en version française ! Ce n’était pas évident à la base vu l’âge et le style du manga. Proche de celui du légendaire d’Osamu Tezuka (Astro le petit robot, Le roi Léo), le dessin de Tetsuya Chiba pourrait passer comme terriblement désuet aux yeux des amateurs de Naruto, Dragon Ball Z et autres Shônen plus récents. La mise en page et la dynamique de Chiba sont pourtant terriblement modernes et inspirent toujours aujourd’hui bien des mangaka. Glénat a choisi de publier l’édition double japonaise de 2006 qui devrait donc s’étaler sur 13 tomes (au lieu de 20). Les couvertures sont très belles, modernes, le papier et les traductions de qualité (comme souvent chez cet éditeur)… Bref, aucune raison de bouder son plaisir ! Surtout que le sens de lecture japonais est respecté, heureusement car il aurait été gênant de voir autant de fausses pattes (gauchers) dans le monde de la boxe ! À ce jour, 8 volumes sont sortis ce qui est plutôt bon signe, et nul doute que Glénat bouclera la série dans un peu plus d’un an.
8…9… 10 ! KO !
Pas besoin d’attendre le son du gong pour comprendre qu’Ashita No Joe est une oeuvre exceptionnelle. Son succès au Japon est clairement mérité et impossible de nier ses innombrables qualités. Pourtant, cette oeuvre est loin d’être conventionnelle. N’allez pas croire que la série enchaine bêtement les combats de boxe et que Joe se contente d’aligner ses adversaires les uns après les autres. Pour tout vous dire, le premier véritable combat professionnel de Joe n’a pas lieu avant… le 32ème épisode de la première série télévisée !
Le titre japonais est explicite : Joe l’orphelin va devoir se battre pour construire son avenir. La vie est un ring de boxe ! Ashita No Joe est avant tout l’épopée d’un jeune garçon des rues qui aurait pu mal tourner mais qui trouve sa rédemption grâce à la boxe mais aussi grâce à Danpei Tange, qui a su voir au-delà des apparences.
Finalement, l’univers de la boxe est presque secondaire et on est loin d’une bête série sportive à la Captain Tsubasa (Olive & Tom) ou même Hajime No Ippo (pour rester dans le monde de la boxe). Joe Yabuki représente tous les espoirs de l’homme, il se bat au-delà de ses limites, sans jamais rien lâcher pour vivre ses propres rêves. Il ne renonce jamais malgré les épreuves qui l’attendent. Joe est porteur d’un message d’espoir : peu importe d’où l’on vient, on trouvera toujours un moyen de s’en sortir si l’on se trouve un but et que l’on s’y tient vraiment, à la vie à la mort ! Pas étonnant que les fiers Japonais aient tant plébiscité Joe Yabuki.
Car le véritable exploit de cette série est d’avoir réussi à nous faire aimer le personnage de Joe Yabuki qui est bien loin aussi de toutes conventions. Contrairement à bon nombre de héros, Joe n’est pas parfait puisqu’il se révèle tour à tour malhonnête, vantard, prétentieux, ignorant, ingrat… Bref, un personnage particulièrement antipathique ! Et ne croyez pas qu’il s’améliore tant que ça au fil de la série. S’il gomme certains aspects sombres de sa personnalité, d’autres seront présents jusqu’à la fin le rendant toujours aussi mystérieux auprès des autres. Tel un chat sauvage, il ne se laissera jamais véritablement dompter et permettra à son image de rendre la série totalement imprévisible. Joe Yabuki réussit donc un énième exploit en se rendant attachant malgré son comportement de sale gosse et ses réactions souvent déplacées. Tout comme Dapei Tange, on finira par aimer Joe sans aucune retenue. Décidément, c’est un as pour nous mettre KO !
Nous remercions notre ami Gilles de nous avoir permis de poster son article sur notre site. Par souci de clarté, nous l’avons séparé en 2 parties. Retrouvez l’original en intégralité sur son blog http://indianagilles.over-blog.com.
Un commentaire
Excellent article pour un des meilleurs manga qui soit 😉