Essentiellement connu en France pour Vagabond (33 volumes, en cours) et Slam Dunk (31 volumes, terminé), Takehiko Inoue atteint sans doute le firmament de son art avec Real, un Seinen très original dans lequel sa passion pour le basketball l’aide à traiter le thème difficile du handicap.
Il aborde ici le quotidien, à priori banal, de joueurs de basket fauteuil, tout en nous offrant une œuvre intelligente et humaniste.
Cette série, qui ne s’enrichit que d’un seul volume par an, nous permet de suivre les destins croisés de trois lycéens, confrontés différemment au handicap.
Tomomi Nomiya est un élève peu doué pour les études et peu fréquentable qui ne vit que pour le basketball. Renvoyé de son lycée après avoir été impliqué dans un accident de moto qui a rendu sa passagère paraplégique. Sa rencontre avec Kiyoharu Togawa, brillant joueur de basket fauteuil, va lui permettre une remise en question salvatrice. Cela dit, les performances athlétiques de Togawa, ancien sprinter scolaire émérite, à présent amputé d’une jambe, cache une douleur morale plus profonde. Après le départ de Nomiya, le prétentieux Hisanobu Takahashi, nouveau leader de l’équipe de basket du lycée, va survivre à un accident de la circulation qui va changer sa vie.
Le terme japonais pour handicap est « shintaishougai » qui veut dire littéralement « obstacle douloureux pour son corps ». Takehiko Inoue respecte ce sens puisqu’il nous fait oublier rapidement les corps meurtris pour nous montrer que les émotions et les sentiments humains peuvent transcender l’obstacle physique. La détresse psychologique, l’orgueil face à l’adversité, l’amour propre, les relations affectives, les difficultés à entrevoir son avenir quand on a perdu trop tôt l’insouciance, sont traités de manière naturelle. On s’attache facilement à ces personnages, tout en nuance, dans lesquels il est aisé de se reconnaître. Les relations des trois lycéens avec leurs familles respectives sont également pleines d’enseignements sur le rôle de l’entourage face au handicap.
Le dessin d’Inoue est très réaliste et c’est une des forces de ce manga. Le scénario emprunte tout à la vie quotidienne et devient sous le crayon de cet auteur une œuvre brillante où le handicap est simplement perçu comme une aventure humaine. « Peu importe, que vous ayez une, deux ou pas de jambes, que souhaitez-vous faire ??? » pourrait être la philosophie de Real.
Sur Mixi, réseau social n’°1 au Japon (25 millions de membres), ce manga est le thème de plusieurs communautés (équivalent des groupes sur Facebook) qui regroupent près de 30000 fans. A titre de comparaison, 20th Century Boys, chef d’œuvre de Naoki Urasawa, en compte environ 40000. Certes, on est loin de Slam Dunk avec 310000 fans.
Son rythme de parution annuel en fait un événement attendu. En 2010, au Japon, pour fêter le 10ème volume (à paraître en France chez Kana en Novembre 2011), ce manga a eu l’honneur d’un clip vidéo, mettant en scène de vrais joueurs de basket fauteuil.
Real n’est ni triste, ni gai, encore moins compatissant mais seulement « réel », passionnant et empathique.