Toute l’œuvre d’Osamu Tezuka est imprégnée d’un profond humanisme, d’une immense affection pour l’être humain. Influencé par Walt Disney, il nous offre de nombreuses histoires « universelles », qui ne rentrent pas les catégories traditionnelles du manga (seinen , shonen, shojo….).
Si son dessin peut sembler naïf par rapport à d’autres grands noms du manga, ses immenses qualités de narrateur restent rarement égalées. Tezuka manie l’ironie, l’humour et le sérieux avec une grande aisance et, dans la série « Vampires », il pousse l’audace jusqu’à se dessiner lui-même et se mettre en scène comme l’archétype du anti-héros.
« Debout l’Humanité », bien que publié il y a plus de 40 ans, est d’une grande actualité et nous interpelle sur notre relation aux autres, notre vision de l’Humanité et sur le rôle du genre dans la société humaine. Paru entre 1967 et 1968, en pleine guerre du Vietnam, l’ouvrage dénonce avec véhémence les absurdités et les dérives politiques, sociales, scientifiques, culturelles, économiques et militaires. Ces dénonciations restent malheureusement très contemporaines. Tenka Taihei, le personnage central de cette histoire est un déserteur japonais banal, ingénu et bonne pâte dans une guerre qui le dépasse. Repris par l’armée, il va devenir un cobaye de laboratoire et on va découvrir rapidement qu’il possède… des spermatozoïdes à deux flagelles (!), capables de donner naissance à un nouveau genre humain, asexué, docile et discipliné. Ce troisième sexe, à l’usage des déviants sexuels ou bien chair à canon pour toutes les armées du monde, est le thème central de ce manga et agit un peu comme le miroir de l’humanité. Si le dessin est assez sommaire, le style dynamique, les rebondissements récurrents rendent la lecture très agréable.
Comment va se comporter Tenka Taihei, Abraham du XXème siècle, père d’une nouvelle humanité, vouée dès l’origine à la souffrance et au sacrifice ? Comment ses rapports avec son épouse, ancienne membre de la guérilla anti-japonaise, et le capitaine Reach, pulpeuse officier de santé du laboratoire militaire qui mène les expériences génétiques vont-ils le faire évoluer ?? Tezuka prête aussi à ce protagoniste central quelques traits physiques d’Adolf Hitler, pour nous montrer qu’il faut éviter de sous-évaluer la banalité, sous toutes ses formes.
Le médecin militaire Otomo Kurosumi, également déserteur mais expert en génétique, supervisera le programme de recherche sur le troisième sexe. Ce personnage, amical au début de l’histoire, deviendra de plus en plus opportuniste et ambitieux. Il nous offre l’exemple frappant d’une utilisation malsaine de la connaissance scientifique. Rabelais disait « Science sans conscience n’est que ruine de l’âme » et Kurosumi nous montre comment la science peut être pervertie par l’ego. Il abusera tout au long du manga de la crédulité de Taihei mais aura quelques surprises !!
« Debout l’Humanité » est une histoire intéressante, complexe et longue (430 pages) qui nous permet de jeter un regard lucide sur notre société du XXIème siècle, devenue androgyne, centrée sur l’immédiat et la satisfaction du besoin et où les guerres au journal télévisé apparaissent quasiment comme des leçons de géographie tellement banales.
3 commentaires
Super article bravo Mr demosthene
je ne connaissais pas la couverture japonaise …….. bonne idée de l’avoir placé en illustration!!!!!!
Ce manga est complexe, mais faut vraiment le détour !!!!!! de toute façon, Tezuka, Urasawa et Hirata, j’achète sans hésitation !!!! 😉 Mon libraire le sait….. 😉
Excellent manga !
Je ne connaissais pas non plus la couverture japonaise qui semble beaucoup plus appropriée au contenu que la couverture française, même si elle est un peu (trop) racoleuse !!!